La nuit n`est jamais complĂšte Recueil des textes de lâatelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 Eluard vu par Pablo Picasso La nuit nâest jamais complĂšte, Il y a toujoursâŠ. Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 Le mot de DaniĂšle Le thĂšme de la nuit » nous a inspirĂ©s A partir dâun incipit la nuit nâest jamais complĂšte, il y a toujoursâŠÂ» Chacun a poursuivi de la façon quâil le souhaitait. Nous nâavons lu quâensuite le trĂšs beau poĂšme de Paul Eluard La nuit n'est jamais complĂšte. Il y a toujours puisque je le dis Puisque je l'affirme Au bout du chagrin Une fenĂȘtre ouverte Une fenĂȘtre Ă©clairĂ©e. Il y a toujours un rĂȘve qui veille DĂ©sir Ă combler ou Ă satisfaire Un cĆur gĂ©nĂ©reux Une main tendue Une main ouverte Des yeux attentifs Une vie, la vie Ă se partager. Toujours sur le thĂšme de la nuit, nous avons lu une chanson de Grand Corps Malade, et un poĂšme de Jacques PrĂ©vert, et emportĂ© pour un autre moment de lecture une nouvelle de Dino Buzzati Douce nuit ». La question Ă©tait mais dans le fond quâest-ce quâune nuit ?... » Au plaisir de retrouver trace de notre imaginaire. DaniĂšle TourniĂ© 2 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 Nuit dans le Hoggar La nuit nâest jamais complĂšte, dans le dĂ©sert du Hoggar. AllongĂ©e dans mon sac de couchage, la nuit est tiĂšde. JâĂ©coute ce silence absolu qui me transporte. Un bleu nuit enveloppe le ciel qui sâenfonce vers lâinfini, intense et muet. Des larmes glissent doucement sur mes joues et chatouillent le lobe de mes oreilles. Je suis Ă©blouie. Le scintillement des Ă©toiles et le minuscule quartier de lune naissant Ă©clairent Ă peine ce paysage de roches et pitons grĂ©seux, de sillons de dunes laiteuses et de bouquets de tiges sĂšches. Puis, par ci, par lĂ , quelques ombres furtives, de Touaregs qui, dans des mouvements lents, se prĂ©parent Ă la premiĂšre priĂšre et, de chameaux entravĂ©s qui hument la fin de la nuit. Soudain de petites flammes forment un halo de lumiĂšre, attrapant au passage, les ailes des insectes qui ont osĂ© sâaventurer jusque-lĂ . Des mains, telles des balanciers inimitables, prĂ©parent le thĂ© dans un cliquetis de mĂ©tal. Des palabres monocordes racontent, sans doute, des histoires futiles ou sĂ©rieuses mais infinies. Vers lâest, au-dessus des rochers, une lueur pointe. Je me retourne et mâendors quelques instants, heureuse. Catherine 3 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 LES NUITS DU SOLDAT DĂšs que le jour se levait il allait dans son atelier peindre la nuit. Sa nuit. Au centre de la toile les tons se heurtaient dans des combats vibrants qui sâestompaient mollement dans les coulures verdĂątres dâun pinceau mal rincĂ©. Quelquefois un oiseau souriant chatouillait le front dâun soldat couchĂ©. Parfois des formes voluptueuses crĂ©meuses et dansantes se lovaient entre deux poignards, entre deux canons. Quand, le bras tendu, il cherchait oĂč poser sa brosse Ă©bouriffĂ©e de cobalt ou de carmin pour poser une pointe de rage il savait que câĂ©tait la touche finale de lâembuscade. Alors il regardait la toile, se raclait la gorge comme pour se dĂ©barrasser des cris quâil avait devinĂ©s, se massait le crĂąne et les tempes comme pour effacer le poids dâun casque, resserrait la ceinture de son peignoir comme pour se prĂ©senter devant un gradĂ©, puis mettait ses pinceaux Ă tremper dans un pot plein dâessence et quittait lâatelier pour rejoindre sa compagne qui lâattendait pour le cafĂ©. VĂ©ronique ClĂ©ment 4 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 Lâautre cĂŽtĂ© du miroir La nuit nâest jamais complĂšte, il y a toujours⊠des images de la journĂ©e qui vous poursuivent, des paroles qui rĂ©sonnent, des musiques qui vous obsĂšdent, dans une ronde dâabord rapide, puis douce, qui vous entraĂźne au loin. Alors, les images dansent et les musiques se mĂȘlent dans un tourbillon Ă la fois cocasse et effrayant. Lâesprit vagabonde et se met Ă lâunisson des forces nocturnes qui se libĂšrent et nous enveloppent la lune qui sourit, les Ă©toiles qui scintillent, le loup qui rĂŽde, lâeau qui court, la terre qui respire. Michel LâhĂŽtel de la gare La nuit nâest jamais complĂšte, Il y a toujours une lueur derriĂšre les rideaux. Câest lâenseigne rouge et or de lâhĂŽtel qui clignote. Du lit, il surveille la lumiĂšre et compte les secondes deux de clartĂ©, deux dâombre. Deux secondes dâĂ©veil, deux de sommeil. Deux de rouge, deux de noir. Deux de joie, deux de peine⊠Pour passer le temps, il joue dans sa tĂȘte au jeu des mariages ; la nuit est longue, rien ne lâoblige Ă dormir. Il peut compter, jouer, suivre la lumiĂšre qui apparaĂźt et disparaĂźt. Les paupiĂšres fermĂ©es, il distingue encore la lueur intermittente, alors il se blottit sous les draps et tente de lui Ă©chapper. Rien Ă faire, elle est toujours lĂ , et le surprend cachĂ© derriĂšre ses mains. Enfin il sâabandonne et se laisse porter vers le haut puis glisser vers le bas. Lâonde lâemmĂšne avec elle. Soudain des pas rĂ©sonnent sur le trottoir, câest lâaube de ceux qui partent vers un emploi lointain. Il ne dormira plus. Martine 5 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 Mais dans le fond, quâest-ce quâune nuit âŠ. Avec des paroles empruntĂ©es Ă Grand Corps Malade La longue nuit du prince Le silence a englouti la forĂȘt et les lumiĂšres de la fĂȘte. Son royaume a disparu. Il est plongĂ© dans le crĂ©puscule de cette demi-mort. Peu Ă peu, la vie sauvage a repris ses droits et les ronces ont envahi le chĂąteau. Son sommeil dure toujours, et sâĂ©tire sans rĂȘves. Son souffle est lent, Ă peine audible. Il respire doucement dans lâobscuritĂ©, attentif au moindre souffle. Mais plus personne nâest venu se pencher sur sa couche depuis si longtemps. Tous lâont oubliĂ©, ou sont partis rejoindre les leurs dans un monde inconnu. Il attend. Son cerveau engourdi oscille entre luciditĂ© et panique viendra-t-on le chercher et la prophĂ©tie de sa marraine sâavĂšrera-t-elle ĂȘtre la vĂ©ritĂ© ou lâinfluence de la mĂ©chante sorciĂšre prendra-t-elle le dessus ? Quand viendra-t-on dĂ©tacher les liens invisibles qui lâenchainent Ă la nuit et qui viendra dĂ©nouer lâambiguĂŻtĂ© de son sommeil Ă©ternel ? La princesse, peut-ĂȘtre⊠Martine 6 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 Mais quâest-ce donc quâune nuit au poste de police de la rue des GĂątines ! Tu vois, deux policiers armĂ©s jusquâaux dents qui veillent Ă lâentrĂ©e, dans une semi obscuritĂ©, tandis que tout prĂšs de lĂ , une femme en errance, blottie dans lâombre de la nuit, jette son dĂ©sespoir Ă la figure des quelques passants pressĂ©s de rentrer bien au chaud. Tu vois, Ă lâintĂ©rieur, dans une lumiĂšre mi teinte, blafarde et froide, des personnes ivres, furieuses, fissurĂ©es, Ă©teintes ou parfois silencieuses. Elles attendent leur tour, non sans mal, assises sur des bancs. Tu vois, câest le quartier, il y a lĂ , des bobos au-dessus de tout soupçon » et des petits dĂ©linquants qui se croisent et ne se rencontrent jamais. Les prostituĂ©es, câest plus bas, Ă Belleville. Tu sens des odeurs de commissariat dans cette nuit qui transpire de vies humaines, dâodeur de la peur, dâhaleines surchargĂ©es dâalcool, de vĂȘtements douteux et de cigarettes refroidies. Tu entends, vers la fin de la nuit, une brigade qui revient, triomphante, dans un crissement pneus et de gyrophares. Ils ont rĂ©ussi une perquisition dans les immeubles du 140 rue MĂ©nilmontant, notre Mollenbeck. Ils ramĂšnent avec fracas, 2 jeunes hommes cagoulĂ©s menottĂ©s puis disparaissent rapidement avec eux, dans un couloir. Silence, plus personne bouge ! de de et ne Et puis, derriĂšre le comptoir, un peu trop haut, des fonctionnaires de la nuit Ă©coutent inlassablement les plaintes. Ils essaient de rechercher un semblant de vĂ©ritĂ© Ă toutes ces embrouilles et violences de la nuit. Ils parviennent parfois Ă consoler ces ĂȘtres en prise Ă des paniques plus fortes dit-on, lors des nuits de pleine lune. Catherine 7 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 TEXTES SUR LA NUIT La Nuit Extrait de lâalbum Enfant De La Ville 2008 Voici une note pour la nuit, les nuits, les miennes les tiennes Je ne sais pas comment tu les vis moi mes nuits m'appartiennent Je les regarde je les visite c'est mon royaume mon chĂąteau Je les aime et c'est tant mieux parce que j'aime pas me coucher tĂŽt J'te parle pas des nuits parisiennes, des lumiĂšres et des dĂ©cibels J' prĂ©fĂšre celles du silence et d' la pĂ©nombre qui est si belle J'te parle pas des nuits en boite, celles des branleurs et celles des poufs Je prĂ©fĂšre les trottoirs vides quand la ville reprend son souffle Comment exprimer ce que la nuit m'inspire Ce qu'elle nous suggĂšre et ce quâelle respire Ce moment d'obscuritĂ© qui met en lumiĂšre nos fissures L'ambiguĂŻtĂ© en manteau noir, la nuit fait peur, la nuit rassure En tout cas c' qui est sĂ»r c'est qu'elle influence nos cerveaux Prends pas de grandes dĂ©cisions la nuit tu sais jamais ce que ça vaut Pourtant elle peut ĂȘtre parfois un moment d'extrĂȘme luciditĂ© Et c'est souvent la nuit qu' tu crois dĂ©tenir la vĂ©ritĂ© Chaque nuit la suspicion fĂȘte son anniversaire Et quand tu croises un mec dans la rue il te matte comme un adversaire Y'a des regards mĂ©fiants, menaçants ou pleins de panique En tout cas c' qui est bien la nuit c'est qu'y a personne sur le pĂ©riphĂ©rique 8 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 DOUCE NUIT de Dino BUZZATI Elle eut dans son sommeil, un faible gĂ©missement. Ă la tĂȘte de l'autre lit, assis sur le divan, il lisait Ă la lumiĂšre concentrĂ©e d'une petite lampe. Il leva les yeux. Elle eut un lĂ©ger frĂ©missement, secoua la tĂȘte comme pour se libĂ©rer de quelque chose, ouvrit les paupiĂšres et fixa l'homme avec une expression de stupeur, comme si elle le voyait pour la premiĂšre fois. Et puis elle eut un lĂ©ger sourire. - Qu'y a-t-il, chĂ©rie ? - Rien, je ne sais pas pourquoi mais je ressens une espĂšce d'angoisse, d'inquiĂ©tude... - Tu es un peu fatiguĂ©e du voyage, chaque fois c'est la mĂȘme chose et puis tu as un peu de fiĂšvre, ne t'inquiĂšte pas, demain ce sera passĂ©. Elle se tut pendant quelques secondes, en le fixant toujours, les yeux grands ouverts. Pour eux, qui venaient de la ville, le silence de la vieille maison de campagne Ă©tait vraiment exagĂ©rĂ©. Un tel bloc hermĂ©tique de silence qu'il semblait qu'une attente y fĂ»t cachĂ©e, comme si les murs, les poutres, les meubles, tout, retenaient leur respiration. Et puis elle dit, paisible - Carlo, qu'y a-t-il dans le jardin ? - Dans le jardin ? - Carlo, je t'en prie, puisque tu es encore debout, est-ce que tu ne voudrais pas jeter un coup d'Ćil dehors, j'ai comme la sensation que... - Qu'il y a quelqu'un ? Quelle idĂ©e. Qui veux-tu qu'il y ait dans le jardin en ce moment ? Les voleurs ? Et il rit. Ils ont mieux Ă faire les voleurs que de venir rĂŽder autour de vieilles bicoques comme celle-ci. - Oh ! je t'en prie, Carlo, va jeter un coup d'Ćil. Il se leva, ouvrit la fenĂȘtre et les volets, regarda dehors, resta stupĂ©fait. Il y avait eu de l'orage l'aprĂšs-midi et maintenant dans une atmosphĂšre d'une incroyable puretĂ©, la lune sur son dĂ©clin Ă©clairait de façon extraordinaire le jardin, immobile, dĂ©sert et silencieux parce que les grillons et les grenouilles faisaient justement partie du silence. C'Ă©tait un jardin trĂšs simple une pelouse bien plane avec une petite allĂ©e aux cailloux blancs qui formait un cercle et rayonnait dans diffĂ©rentes directions sur les cĂŽtĂ©s seulement il y avait une bordure de fleurs. Mais c'Ă©tait quand mĂȘme le jardin de son enfance, un morceau douloureux de sa vie, un symbole de la fĂ©licitĂ© perdue, et toujours, dans les nuits de lune, il semblait lui parler avec des allusions passionnĂ©es et indĂ©chiffrables. Au levant, Ă contre-jour et sombre par consĂ©quent, se dressait une barriĂšre de grands charmes taillĂ©e en arches, au sud une haie basse de buis, au nord l'escalier qui menait au potager, au couchant la maison. Tout reposait de cette façon inspirĂ©e et merveilleuse avec laquelle la nature dort sous la lune et que personne n'est jamais parvenu Ă expliquer. Cependant, comme toujours, le spectacle de cette beautĂ© expressive qu'on peut contempler bien sĂ»r, mais qu'on ne pourra jamais faire sienne, lui inspirait un dĂ©couragement profond. - Carlo appela Maria de son lit, inquiĂšte, en voyant qu'il restait immobile Ă regarder. Qui est lĂ ? 9 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 Il referma la fenĂȘtre, laissa les volets ouverts et il se retourna - Personne, ma chĂ©rie. Il y a une lune formidable. Je n'ai jamais vu une semblable paix. Il reprit son livre et retourna s'asseoir sur le divan. Il Ă©tait onze heures dix. Ă ce moment prĂ©cis, Ă l'extrĂ©mitĂ© sud-est du jardin, dans l'ombre projetĂ©e par les charmes, le couvercle d'une trappe dissimulĂ©e dans l'herbe commença Ă se soulever doucement, par Ă -coups, se dĂ©plaçant de cĂŽtĂ© et libĂ©rant l'ouverture d'une Ă©troite galerie qui se perdait sous terre. D'un bond un ĂȘtre trapu et noirĂątre en dĂ©boucha, et se mit Ă courir frĂ©nĂ©tiquement en zigzag. Suspendu Ă une tige un bĂ©bĂ© sauterelle reposait, heureux, son tendre abdomen vert palpitait gracieusement au rythme de sa respiration. Les crochets de l'araignĂ©e noire se plongĂšrent avec rage dans le thorax, et le dĂ©chirĂšrent. Le petit corps se contorsionna, dĂ©tendant ses longues pattes postĂ©rieures une seule fois. DĂ©jĂ les horribles crocs avaient arrachĂ© la tĂȘte et maintenant ils fouillaient dans le ventre. Des morsures jaillit le suc abdominal que l'assassin se mit Ă lĂ©cher avidement. Tout Ă la voluptĂ© dĂ©moniaque de son repas, il n'aperçut pas Ă temps une gigantesque silhouette sombre qui s'approchait de lui par-derriĂšre. Serrant encore sa victime entre ses pattes, l'araignĂ©e noire disparut Ă jamais entre les mĂąchoires du crapaud. Mais tout, dans le jardin, Ă©tait poĂ©sie et calme divin. Une seringue empoisonnĂ©e s'enfonça dans la pulpe tendre d'un escargot qui s'acheminait vers le jardin potager. Il rĂ©ussit Ă parcourir encore deux centimĂštres avec la tĂȘte qui lui tournait, et puis il s'aperçut que son pied ne lui obĂ©issait plus et il comprit qu'il Ă©tait perdu. Bien que sa conscience fĂ»t obscurcie, il sentit les mandibules de la larve assaillante qui dĂ©chiquetaient furieusement des morceaux de sa chair, creusant d'affreuses cavernes dans son beau corps gras et Ă©lastique dont il Ă©tait si fier. Dans la derniĂšre palpitation de son ignominieuse agonie il eut encore le temps de remarquer, avec une lueur de rĂ©confort, que la larve maudite avait Ă©tĂ© harponnĂ©e par une araignĂ©e-loup et lacĂ©rĂ©e en un Ă©clair. Un peu plus loin, tendre idylle. Avec sa lanterne, allumĂ©e par intermittence au maximum, une luciole tournaillait autour de la lumiĂšre fixe d'une appĂ©tissante petite femelle, languissamment Ă©tendue sur une feuille. Oui ou non ? Oui ou non ? Il s'approcha d'elle, tenta une caresse, elle le laissa faire. L'orgasme de l'amour lui fit oublier Ă quel point un prĂ© pouvait ĂȘtre infernal une nuit de lune. Au moment oĂč il embrassait sa compagne, un scarabĂ©e dorĂ© d'un seul coup l'Ă©ventra irrĂ©vocablement, le fendant de bout en bout. Son petit fanal continuait Ă palpiter implorant, oui ou non ? que son assaillant l'avait dĂ©jĂ Ă moitiĂ© englouti. Ă ce moment-lĂ il y eut un tumulte sauvage Ă un demi-mĂštre de distance Ă peine. Mais tout se rĂ©gla en quelques secondes. Quelque chose d'Ă©norme et de doux tomba comme la foudre d'en haut. Le crapaud sentit un souffle fatal dans son dos, il chercha Ă se retourner. Mais il se balançait dĂ©jĂ dans les airs entre les serres d'un vieux hibou. En regardant on ne voyait rien. Tout dans le jardin Ă©tait poĂ©sie et divine tranquillitĂ©. La kermesse de la mort avait commencĂ© au crĂ©puscule. Maintenant elle Ă©tait au paroxysme de sa frĂ©nĂ©sie. Et elle continuerait jusqu'Ă l'aube. Partout ce n'Ă©tait que massacre, supplice, tuerie. Des scalpels dĂ©fonçaient des crĂąnes, des crochets brisaient des jambes, fouillaient dans les viscĂšres, des tenailles soulevaient les Ă©cailles, des poinçons s'enfonçaient, des dents trituraient, des aiguilles inoculaient des poisons et des anesthĂ©siques, des filets emprisonnaient, des sucs Ă©rosifs liquĂ©fiaient des esclaves encore vivants. Depuis les minuscules habitants des mousses les rotifĂšres, les tardigrades, les amibes, les tecamibes, jusqu'aux larves, aux araignĂ©es, aux scarabĂ©es, aux mille-pattes, oui, oui, jusqu'aux orvets, aux scorpions, aux crapauds, aux taupes, aux hiboux, l'armĂ©e sans fin des assassins de grand chemin se dĂ©chaĂźnait dans le carnage, tuant, torturant, dĂ©chirant, Ă©ventrant, dĂ©vorant. Comme si, dans une grande ville, chaque nuit, des dizaines de milliers de 10 Atelier dâĂ©criture du 16 mars 2016 malandrins assoiffĂ©s de sang et armĂ©s jusqu'aux dents sortaient de leur taniĂšre, pĂ©nĂ©traient dans les maisons et Ă©gorgeaient les gens pendant leur sommeil. LĂ -bas dans le fond, le Caruso des grillons vient de se taire Ă l'improviste, gobĂ© mĂ©chamment par une taupe. PrĂšs de la haie la petite lampe de la luciole broyĂ©e par la dent d'un scarabĂ©e s'Ă©teint. Le chant de la rainette Ă©touffĂ©e par une couleuvre devient un sanglot. Et le petit papillon ne revient plus battre contre les vitres de la fenĂȘtre Ă©clairĂ©e les ailes douloureusement froissĂ©es il se contorsionne dans l'estomac d'une chauve-souris. Terreur, angoisse, dĂ©chirement, agonie, mort pour mille et mille autres crĂ©atures de Dieu, voilĂ ce qu'est le sommeil nocturne d'un jardin de trente mĂštres sur vingt. Et c'est la mĂȘme chose dans la campagne environnante, et c'est toujours la mĂȘme chose au-delĂ des montagnes environnantes aux reflets vitreux sous la lune, pĂąles et mystĂ©rieuses. Et dans le monde entier c'est la mĂȘme chose, partout, Ă peine descend la nuit extermination, anĂ©antissement et carnage. Et quand la nuit se dissipe et que le soleil apparaĂźt, un autre carnage commence avec d'autres assassins de grand chemin, mais une Ă©gale fĂ©rocitĂ©. Il en a toujours Ă©tĂ© ainsi depuis l'origine des temps et il en sera de mĂȘme pendant des siĂšcles, jusqu'Ă la fin du monde. Marie s'agite dans son lit, avec des petits grognements incomprĂ©hensibles. Et puis, de nouveau elle Ă©carquille les yeux, Ă©pouvantĂ©e. - Carlo, si tu savais quel horrible cauchemar je viens de faire. J'ai rĂȘvĂ© que lĂ -dehors, dans le jardin, on Ă©tait en train d'assassiner quelqu'un. - Allons, tranquillise-toi un peu, ma chĂ©rie, je vais venir me coucher moi aussi. - Carlo, ne te moque pas de moi, mais j'ai encore cette Ă©trange sensation, je ne sais pas, moi, c'est comme si dehors dans le jardin il se passait quelque chose. - Qu'est-ce que tu vas penser lĂ ... - Ne me dis pas non, Carlo, je t'en prie. Je voudrais tant que tu jettes un coup d'Ćil dehors. Il secoue la tĂȘte et sourit. Il se lĂšve, ouvre la fenĂȘtre et regarde. Le monde repose dans une immense quiĂ©tude, inondĂ© par la lumiĂšre de la lune. Encore cette sensation d'enchantement, encore cette mystĂ©rieuse langueur. - Dors tranquille, mon amour, il n'y a pas Ăąme qui vive dehors, je n'ai jamais vu une telle paix. BUZZATI Dino, Douce nuit», dans Le K,» Oeuvres II, Robert Laffont, Bouquins. Traduction Jacqueline Remillet 11
byEugĂšne Ămile Paul Grindel (1895 - 1952), as Paul Ăluard. La nuit n'est jamais complĂšte . Language: French (Français) La nuit n'est jamais complĂšte Il y a toujours, puisque je le dis Puisque je l'affirme Au bout du chagrin Une fenĂȘtre ouverte Une fenĂȘtre Ă©clairĂ©e Il y a toujours un rĂȘve qui veille DĂ©sir Ă combler, faim Ă satisfaire Un coeur gĂ©nĂ©reux Une main tendue, une
Lanuit nâest jamais complĂšte - Paul Ăluard. 20Ăšme siĂšcle, Paul Ăluard, PoĂšmes. La nuit nâest jamais complĂšte. Il y a toujours, puisque je le dis, Puisque je lâaffirme, Au bout du chagrin Une fenĂȘtre ouverte, Une fenĂȘtre Ă©clairĂ©e, Il y a toujours un rĂȘve qui veille, DĂ©sir Ă combler, Faim Ă satisfaire, Un cĆur gĂ©nĂ©reux, Une main tendue, une main ouverte, Des yeux
Polar Editions Votes Avis 7/10 Jimmy et sa fille filent vers Iacope quand ils sont stoppĂ©s par un barrage policier un immense glissement de terrain a coupĂ© la route. ObligĂ©s de passer la nuit dans leur voiture en plein dĂ©sert avec dâautres naufragĂ©s, ils se rĂ©veillent avec la gueule de bois, et le sentiment dâavoir Ă©tĂ© tous droguĂ©s, constatant que les batteries de leur voiture sont toutes Ă plat et le policier parti. DĂ©cidant de continuer lâitinĂ©raire, ils partent Ă pied pour trouver explications, eau, et nourriture le plus vite possible. Ils tombent sur une citĂ© miniĂšre abandonnĂ©e depuis moultes annĂ©es. Cependant, les habitations et les rĂ©serves de nourriture mystĂ©rieusement prĂ©servĂ©es leur procurent abris et rĂ©confort. Mais dâĂ©tranges Ă©vĂ©nements les inquiĂštent des bruits bizarres les nuits, une maison remplie dâossements dâenfants, des compagnons qui disparaissent, un puits de mine Ă©trangement envoĂ»tant⊠Et tout semble Ćuvrer pour que la mine devienne leur ultime prison. La nuit nâest jamais complĂšte, titre extrait dâun poĂšme de Paul Eluard, offre un huis-clos intrigant, qui interroge le lecteur tout au long de ses 250 pages. Quelques indices peuvent voir clair dans le jeu de Niko Tackian qui nâoffrira lâĂ©claircissement de ce mystĂšre que dans les toutes derniĂšres pages, un dĂ©nouement somme tout convenu. 31/10/2021 Ă 1725 JohnSteed 379 votes, de moyenne 4 8/10 "La nuit n'est jamais complĂšte", mystĂ©rieux titre provenant du trĂšs joli poĂšme Ă©ponyme de Paul Eluard qu'on a la chance de dĂ©couvrir Ă la fin du roman. J'ai pris un Ă©norme plaisir Ă lire cet ouvrage de Niko Takian. On retrouve les univers chers Ă l'auteur une lieu abandonnĂ© et flippant au sein d'une immensitĂ© dĂ©solĂ©e d'une rudesse climatique extrĂȘme. Dans Avalanche HĂŽtel, Niko mettait en scĂšne un hĂŽtel dĂ©laissĂ© dans une atmosphĂšre glaciale. Ici, c'est une mine dĂ©saffectĂ©e en plein dĂ©sert qui sert d'Ă©crin cauchemardesque Ă la poignĂ©e de personnages qui tente de survivre vaille que vaille malgrĂ© le sort qui s'acharne. Une ambiance dĂ©primante et immersive et des descriptions soignĂ©es et efficaces. Un survival trĂšs rĂ©ussi avec un duo pĂšre-fille des plus touchants ainsi qu' une fin remarquable et Ă©mouvante. Outre l'oeuvre de Paul Eluard, ce roman donnera sĂ»rement envie Ă plusieurs d'entre vous d'en apprendre plus sur Elisabeth Kubler-Ross, psychiatre apparemment Ă©patante. 24/01/2020 Ă 1839 Ironheart 702 votes, de moyenne 8 8/10 Des chapitres courts, peu de personnages que l'on suit dans un univers qui semble post-apocalyptique. Une vrai rĂ©ussite qui se termine par un final coup de poing et qui fait froid dans le dos. 27/07/2018 Ă 1118 Matyeux 115 votes, de moyenne 3 4/10 Je me demande si par hasard je n'ai pas lu une version tronquĂ©e de ce livre tellement mon avis tranche avec les autres. DĂšs les premiĂšres pages j'ai su que la lecture n'allait pas bien se passer mais j'ai tout de mĂȘme poursuivis. Je ne me suis pas du tout pris au jeu de ce thriller horrifique qui surfe avec tout un tas de genres diffĂ©rents sans jamais vraiment aller au bout des choses. Je n'ai pas cru dans les personnages ni dans les situations si bien que la fin, plutĂŽt que de me retourner le cerveau m'a parue grotesque. A l'image du roman... 13/08/2017 Ă 0058 OttisToole 283 votes, de moyenne 7 8/10 Thriller horrifico-fantastique qui se dĂ©vore, La nuit n'est jamais complĂšte n'est pas que cela. Le propos est bien plus profond qu'il n'y paraĂźt au premier abord et nombre de lecteurs seront surpris par la direction prise en fin d'ouvrage. Une rĂ©ussite, vraiment trĂšs prenante et agrĂ©able Ă lire, une belle dĂ©couverte. 10/08/2017 Ă 1219 LeJugeW 1519 votes, de moyenne 6 9/10 Il y a longtemps que je n'avais pas poussĂ© des petits cris d'effroi Ă la lecture d'un roman. TrĂšs visuel, ce roman cathartique alterne passages Ă couper le souffle et instants sensationnels. Le tempo enlevĂ© donne sa rage au bouquin. Le rythme qui, s'il dessine une chute qu'on peut voir venir, se met au service d'une Ă©criture plutĂŽt fine et donne toute l'angoisse nĂ©cessaire au rĂ©cit. Une trĂšs belle dĂ©couverte Ă lire d'une traite ! Mention spĂ©ciale pour le titre qui dĂ©voile son deuxiĂšme sens dans les toutes derniĂšres pages. 04/07/2017 Ă 2151 clemence 332 votes, de moyenne 10 9/10 GrĂące Ă des chapitres courts, une Ă©criture fluide et trĂšs visuelle, un dĂ©cor de dĂ©solation, l'auteur crĂ©e un climat oppressant qui fait resurgir nos peurs et nos angoisses les plus profondes. Le grand tour de force de l'auteur est d'avoir su apporter une explication des plus rationnelle aux Ă©vĂ©nements fantastiques qui se dĂ©roulent au cours de l'histoire. Bien plus qu'un roman fantastique, c'est un livre qui nous oblige Ă nous interroger sur une Ă©tape fondamentale de notre vie. Un auteur que je compte suivre. Un seul petit bĂ©mol la couverture de l'Ă©dition poche est nettement moins belle que celle de l'Ă©dition originale qui Ă mon sens reflĂšte mieux l'ambiance du roman. 19/06/2017 Ă 1056 mireille 402 votes, de moyenne 9 9/10 Le deuxiĂšme roman de cet auteur plus coutumier des plateaux TV, ce qui explique que cette intrigue est certes psychologique mais aussi trĂšs visuelle est tout simplement bluffant de rĂ©alisme. Plusieurs volets dans le dĂ©roulement de cet opus un vĂ©ritable naufrage routier », une aventure au milieu de nulle-part glauque Ă souhait, qui se dĂ©noue aux derniers chapitres, une catastrophe environnementale, des relations pĂšre-fille touchantes, du mystĂšre Ă la limite du paranormal. Ce que jâapprĂ©cie chez cet auteur câest que ce qui sâapparente au fantastique trouve son explication rationnelle en fin de compte. Du sang et des squelettes, des visions dâapocalypse, des frayeurs au fond des tripes, des trahisons et de lâamitiĂ© et au bout du compte un rappel Ă nos mĂ©moires pour les catastrophes miniĂšres qui ont endeuillĂ© lâhumanitĂ©. Un trĂšs bon thriller captif jusquâau bout, Ă lire de nuit et dâune seule traite ! 10/03/2016 Ă 1429 Dany33 535 votes, 8/10 de moyenne 8 PaulEluard (1895 â 1952) et Pablo Picasso (1881 â 1973) La nuit nâest jamais complĂšte » La nuit nâest jamais complĂšte. Il y a toujours, puisque jeLa nuit nâest jamais complĂšte Il y a toujours puisque je le dis Puisque je lâaffirme Au bout du chagrin une fenĂȘtre ouverte Une fenĂȘtre Ă©clairĂ©e Il y a toujours un rĂȘve qui veille DĂ©sir Ă combler faim Ă satisfaire Un cĆur gĂ©nĂ©reux Une main tendue une main ouverte Des yeux attentifs Une vie la vie Ă se partager.
Lanuit n'est jamais complĂšte (Paul Eluard) Oasis des artistes: PoĂ©sie en ligne, Concours de poĂšmes en ligne - 6447 membres ! S'inscrire. S'inscrire; Navigation; RĂšgles & usages; Accueil; Connexion. Pseudo : Mot de passe : Mot de passe perdu ? Inscrivez-vous ! NOTRE SITE ** A C C U E I L ** * REGLES & USAGES * Manifeste Livre d'or Rubriques PaulEluard : La Nuit. La nuit nâest jamais complĂšte Il y a toujours puisque je le dis Puisque je lâaffirme Au bout du chagrin une fenĂȘtre ouverte Une fenĂȘtre Ă©clairĂ©e Il y a toujours un rĂȘve qui veille DĂ©sir Ă combler faim Ă satisfaire Un cĆur gĂ©nĂ©reux Une main tendue une main ouverte Des yeux attentifs Une vie la vie Ă se| ÎĐșÏ ÏŃĐ» ĐŸá°ĐŸŃ | ĐÏĐ°áŽ Ń |
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